Cuba Libre ou le carnet d'un voyage tout exclu...

Posted by Fanny Lloret on 2017-12-27

Cuba Libre ou le carnet d’un voyage tout exclu…

Cuba, j’en rêvais. La salsa, les Piña colada ou autres mojitos, l’espagnol, la chaleur, les couleurs, les belles américaines, les cigares,… Une pléthore de clichés, pas tous vérifiés. Parcourir Cuba à vélo (que dis-je, en « bicidoble »!) a eu le mérite de nous faire découvrir un Cuba probablement de manière bien plus authentique que celui que voient les hordes de bus de touristes en excursion de leur « tout inclus ». Certains des clichés sont bien réels.

À commencer par… les couleurs et la chaleur !

C’était un 8 novembre. Celui de l’année 2016. On est arrivé bien cernés à l’aéroport de Varadero, avec notre tandem pour principal véhicule de voyage. Une fois remonté sur ses 2 roues gonflées et assorti de ses accessoires, et nous un peu déplumés de vêtements inappropriés, nous voilà en route, sous le soleil et les cocotiers à côtoyer les bus, voitures relativement ordinaires et belles américaines… qui puent.

L’excitation est à son comble !

On arrive à Varadero, petite ville aux allures de village côtier, qui paraît pauvre voire très pauvre de prime abord. Un parc de jeux pour enfants abandonné, un jardin abandonné avec vieilles américaines en dormance, les couleurs paraissent saturées. Même la lumière du soleil semble être un filtre instagram avec chaleur exagéré. Sur une rue principale, les boutiques de souvenirs et autres se suivent, et se ressemblent.

En quête d’une « casa particular », on trouve très rapidement de quoi poser nos affaires, enfiler nos maillots de bains pour aller goûter à l’eau turquoise, un peu agitée et saturée elle-aussi, de la mer des Caraïbes. Une petite session de repérage plus tard, on est ravis d’avoir emporté avec nous du riz… Au cas où on ne trouverait jamais à manger pendant notre voyage ! Les épiceries à Cuba, ça court pas les rues !

Le lendemain est une journée de voyage de Varadero à Colòn, dans le centre et la saturation des couleurs se confirme, bien que les paysages soient plutôt désertiques et peu « végétés », ce filtre de chaleur ne nous lâchera donc pas, d’une roue… D’ailleurs, c’est ce jour-là que nous avons pris la mesure de la chaleur, et de notre rythme à adapter en conséquence ! Pas assez d’eau, l’accès très limité à la nourriture ont failli avoir raison de nous : ce n’est pas moins qu’une conserve de lait concentré qui aura fait office de dîner. - Sans passer sur la technique d’ouverture de la conserve. Rien de tel qu’une bonne dose de sucre pour repartir, à l’heure où le soleil frappe encore trop. On le saura.

Nous sommes quand même arrivés à Colòn après des traversées de très beaux petits villages, des merveilles colorées (Espana Republicana, Perico,…) !

Cuba, ou l’art de « se mettre bien ».

Si la bouffe n’est pas toujours de la partie, on se rend vite compte, que le rhum est très souvent invité. En route de Colòn à Cienfuegos, forts de notre apprentissage de la veille, notre pause dîner et sieste se fait à l’entrée d’un village, une sorte de bar / snack qu’ils appelleraient ici plutôt « cantine » au bord de la route. Pour les plus riches, il y a des canettes de « refrescos » ou sodas à 1$, des bouteilles d’eau mais aussi… Du rhum en vrac ! Oui, en vrac. Bien que la découverte soit des plus étonnantes, non, nous n’avons pas craqué pour troquer un litre d’eau contre du rhum, quoiqu’on aurait pu. C’est bien un local qui nous en a montré l’usage : il est simplement arrivé avec sa bouteille vide et a demandé son remplissage, naturellement. C’est bien trop tard dans le voyage que nous avons tenté l’expérience du verre de rhum sur l’heure du dîner… Quelle fut notre surprise au moment de payer ! Un verre type shot coûte… littéralement rien pour nous autres : 10-20 pesos ? Soit environ 20 centimes en dollars canadiens ! Le rhum est donc beaucoup plus accessible pour les locaux, que les « refrescos » et les bières même locales “Cristal” et “Presidente”.

Ceci-dit, cela n’était vrai que dans les innombrables petits villages traversés, authentiques et où nous étions les très rares touristes de passage (à en croire notre vécu, nous n’avons que très rarement croisés d’autres touristes dans ce type de villages, les seuls étaient d’autres cyclistes plus tard dans l’Ouest du pays, autrement plus touristique.). En effet, à Viñales, au hasard d’un lieu touristique (ironie), il était bon de sortir un peu et se remercier de bons cocktails - Piña Colada mon préféré - mais voilà, à Viñales, on ne rigole pas avec les touristes… On en fait des caisses. Et nous voilà rendus à des moyennes de prix pour manger et boire, vraiment déroutantes ! Rester dans ce genre de place n’était pas notre ambition. Avec nos filtres Sawyer, on économisait même sur l’eau, c’est pour dire !

Pas question de vivre ici comme chez nous, d’avoir accès à certains conforts (bouffe, boissons et autres) au même prix que chez nous et qui n’est pas la réalité de la vie cubaine ! Des sandwichs de dîner avec parfois même du merveilleux cochon de lait (désolé les végés !) ne nous coûtaient même pas le prix d’une bouteille d’eau !

Nous dirons que nous avons mené une vie de riches cubains. Nous nous sommes faits prendre au piège parfois, par facilité. Et parfois, il y avait simplement de bonnes surprises, comme la Piña Colada, à l’écart de Viñales, dans une sorte de paillote à l’écart de la ville, au bord d’un sentier de promenade au coeur des mogotes que forment les montagnes de la région. Le cocktail était servi directement dans la coco, et le plus drôle :

Serveur : “Con ròn ?”

Nous : “Claro sí !”

Et c’était le même prix. Celui d’une bouteille d’eau ou d’un « refresco ». Ok.

Les autres clichés fondés… Ou à moitié.

Viñales et Piñar del Rio sont dans la région la plus agricole de Cuba. Et ils cultivent entre autre, du tabac. Il y a des fabriques de cigares et… Les Cubains sont très bons. Ils ont très bien exporté leur culture en en faisant un cliché. Presque fondé. C’est vrai que leur climat est parfait pour la culture du tabac, mais il est tout aussi vrai qu’ils l’exportent plus qu’ils ne le fument eux-mêmes.

Impossible de trouver des cigares ailleurs que dans des échoppes touristiques ou les fabriques devenues aussi musées.

Dans les rues, les seuls cigares en vue sont mâchouillés par de vieux locaux qui cherchent à attraper les touristes. Vous savez, ceux qui veulent la photo très typique (trop typique ?). L’espoir pour le vieillard de ramasser quelques pesos des riches touristes en visite.

La salsa. Nous sommes peu sortis pendant notre séjour pour pouvoir attester et confirmer ou non les clichés bien connus. Et le peu que nous sommes sortis, ce n’était pas à La Havane où la vie nocturne est certainement plus enivrante. Mais voici le constat : À Viñales, des gars sont là pour épater la galerie féminine super excitée de pouvoir revenir de voyage en ayant dansé la salsa avec un cubain “c’était trop ouf” (pour une française, oui). Les parties de salsa n’ont pas l’air d’être plus répandues que pour les touristes…

Les belles américaines oui ! Cet a priori est bel et bien fondé, des américaines de toutes les couleurs, il y en a un peu partout. Cependant, (Eh oui !) il semblerait que plus le temps passe, plus elles se raréfient. Et oui, c’est qu’elles se font vieilles ces bêtes-là. Aussi, les jolies américaines anciennes sont la propriété de riches cubains qui ont misé sur le tourisme, encore une fois, pour la plupart. C’est un véritable business. Tout comme les “casas particulares”, une vraie activité qui semble même parfois être la seule et principale activité pour certains qui doivent savoir comment faire rouler les affaires !

Venons-en aux découvertes !

Oui il y a les américaines qu’on avait déjà vues sur les cartes postales ou la première photo qui sort quand tu tapes « Cuba » dans ta barre de recherche Google. Mais ce que l’on sait moins (pour ma part, je n’en avais pas idée), c’est qu’il y a aussi des “caletas”, des calèches. Beaucoup de calèches avec de maigres chevaux parcourent les routes de Cuba. Nous en avons beaucoup vues surtout dans le centre de l’île, de Varadero à Cienfuegos. Les “caletas” servent aussi de transport de personnes mais surtout de transport quotidien pour aller aux champs, et de “marchandise” si on peut appeler ça ainsi bien que… Nous sommes dans un pays communiste où la ration est maître. (ou maîtresse ?)

Les caletas ont été une relativement belle découverte malgré la maigreur des chevaux pas toujours, et de loin, alarmante tout de même.

Les caletas donnaient l’avantage de nous doubler moins vite, et de ne pas puer le gaz ! (Les chevaux se tenaient bien !) Au lieu de découvrir des routes en mauvais état (on nous avait raconté tout et son contraire à ce sujet), le seul inconvénient était la pollution, les pots d’échappement qu’on se prenait en pleine face, surtout des américaines mais aussi de quelques camions. La fumée en était parfois noire, vraiment ! Les routes étaient très bonnes. En général. Et même en vélo, on pouvait prendre l’autoroute ! Rock’n’roll. Surtout les bretelles d’entrées ou de sorties en fait. Ça d’l’air que ce sont les seules portions de route non entretenues. Très drôle. Et c’est pire que nos pires routes québécoises, YEAH ! :-D

Les découvertes ne s’arrêtent pas là…

… mais elles font partie du clou du voyage !

C’est juste que… Nous étions en tandem. Et ça, c’était vraiment super chouette. Le tandem nous a permis de belles rencontres sur notre chemin. Le tandem éveillait les curiosités… Ou non. C’est très drôle, étrange, comme les réactions, d’un village à un autre, d’un coin de rue à une route pouvaient varier !

Beaucoup d’ignorance en résumé. Comme si nous faisions partie intégrante du paysage. Et ça, ça faisait beaucoup de bien. Ça mettait à l’aise.

Beaucoup de sympathie aussi. Des sourires bienveillants, des réactions de surprise, d’étonnement, notamment de familles “Oh ! La bicidoble !”. Beaucoup de sympathie sur les routes depuis les “caletas”, beaucoup de courtoisie aussi. Pas question de nous doubler s’il y a une voiture visible en face. Pas question non plus de nous serrer sur le bas-côté, non, on avait toute notre place et notre légitimité. C’était naturel, et non par simple curiosité ou crainte, mais nous exitions bien au même titre que n’importe quelle “caleta” dont le cheval pourrait avoir une réaction et faire un écart…

Et parfois, quand même, du jugement. Oui, dans certaines petites villes, tout à coup, on se sentait mal à l’aise, plus légitimes comme encore 100 m avant d’y arriver. Cette sensation a dû arriver 2 fois seulement je crois. Une de celles-ci, c’était dans une ville très proche de Viñales. Comme si les habitants, qui semblaient beaucoup se rassembler dehors, étaient relativement habitués aux touristes, mais pas ceux en tandem. Alors c’était des rires indiscrets. Non, plus de sourires bienveillants, c’était bien différent. Mais tant pis. Juste étrange.

En pratique…

Nous avions investi dans ce tandem quelques semaines avant de partir après en avoir cherché, en vain, la location. Celui-ci était une excellente occasion et venait avec un porte-bagage arrière seulement et ses sacoches poches. Dans le sens “poche” québécois qui signifie “de piètre qualité”. Mais nous avons fait avec. Et avec ça, nous avons recherché une couturière, sans savoir dire ce mot en espagnol, de Cienfuegos jusqu’à La Havane où finalement nos hôtes nous ont tellement gentiment accueillis et dépannés à rafistoler nos sacoches qui n’allaient plus tarder à se vider sans un point de couture et quelques épingles de sécurité.

Bref, nous avons voyagé léger. Le plus lourd devait être l’eau. Pour le reste, en fille, j’avais une tenue de sport pour les journées de vélo (1 legging de sport, 2 t-shirts pour pouvoir alterner sans attendre le séchage d’un jour à l’autre), 1 tenue autre plus chaude (1 sarouel et 1 pull pour les fraicheurs éventuelles) et 1 tenue “de vacances” (1 jupe. Que je portais avec 1 des top en roulement continu de lavage) et 2 paires de chaussettes, mes souliers et mes gougounes. Comprenez-vous mieux pourquoi nous sommes peu sortis ? :-D (Ok, c’était en plus du fait de devoir adapter notre rythme à la chaleur).

Nous avons profité de nos vacances aussi pour nous reposer. Nous reposer les fesses lasses des pires selles pour voyager au monde. On le saura : partir avec nos selles de vélos de tous les jours Brooks devrait être une valeur sûre.

Côté technique, nous avons déraillé des bonnes dizaines de fois. Le sable, par exemple, n’est pas le meilleur ami du vélo. Confirmation. La pire journée de trop nombreux déraillements était celle du trajet entre La Havane et Cabañas. Ce qui nous a fait arriver un peu fatigués à Cabañas dans la seule « casa » du village, par chance disponible.

Nous avons crevé aussi. Mais la crevaison “BANG” ! Explosive. Par chance (encore une fois), c’était plutôt vers la fin que vers le début du voyage. Proche d’arriver à Matanzas après une journée terrible grâce au choix de route de PO “Bon allez, on prend le chemin, c’est drôle, ça change !” Oui, mais ça a été un chemin troué sur plus de 40 km. Je ne crois pas qu’on avait vraiment le choix finalement, ou alors avec l’autoroute. Ok, ça a été toute une expérience cette “route”-là. Bref, la grosse crevaison à la tombée de la nuit, à la sortie d’un village dans les montagnes quelques 5 kilomètres avant de descendre sur Matanzas. On répare fissa, on sort les lumières et hop ! On fini le trajet de nuit et en recherchant la casa du soir. La route de nuit, même en campagne était quand même moins pire que celle de la veille : traversée de La Havane et autoroute entre 20 et 22h… Épique. C’était la fin du voyage, il ne nous restait que le trajet de retour à l’aéroport, soit une petite quarantaine de kilomètres. À tenir avec un pneu très abîmé. Donc sur ces derniers kilomètres, on a crevé à nouveau. Hormis le fait que nous avions un vol à ne pas manquer, l’heure n’était pas bien grave, et la réparation incluant du tape à l’intérieur du pneu nous a permis… De quitter le paradis de notre voyage.

Cuba, on en avait bien entendu parler et on a continué d’en entendre parler. Certains n’ont pas aimé leur voyage. Non ils ne sont pas restés dans leur tout-inclus, mais parfois ils se sont confrontés à la réalité d’une dictature communiste.

Moi, j’ai trouvé ça formidable de m’y exposer et de découvrir cet autre monde, que jusque-là je n’avais vu ou lu que dans les livres d’histoire d’école. J’ai pas essayé de juger, j’y connais rien. J’ai juste observé. Je crois que j’ai aussi retrouvé des sentiments naturels, qui dorment en moi, et que j’avais connu plus jeune lors de mes premiers voyages en Tunisie et surtout au Cap-Vert. Je prends la pauvreté comme une richesse. Je crois que c’est ça mon secret.

Cuba, on n’en a parcouru qu’un petit bout. La place alors, pour un autre voyage peut-être. En tandem encore je l’espère.


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