Trois jours à Henry coe, seconde partie

Posted by Pierre-Olivier Dybman on 2019-12-16

Trois jours à Henry Coe, seconde partie

_Il n’est pas essentiel d’avoir lu la première partie mais elle se trouve ici si vous le souhaitez_

L’entrée du parc se fait par un petit chemin de randonnées qui contourne un relief arboré, pour ensuite déboucher sur le parc. Cette frontière paysagère donne immédiatement le sentiment de s’être téléporter ailleurs. Même si la journée touche à sa fin, il fait encore beau et le soleil me chauffe le dos à mesure que je parcours les quelques kilomètres qui me séparent du lieu choisi pour passer la nuit.

Une fois arrivé, la tente plantée, je mange ma salade, bois ma bière, écrits ces quelques lignes et ne tarde pas à me coucher. Toute cette journée de voyagement m’a épuisé.


Il n’est pas encore 6h du matin lorsque je me réveille. Il fait déjà grand jour et je suis excité à l’idée que ma randonnée commence enfin. Je range mes affaires et décide que j’aurai mon déjeuner plutôt vers les 9h, une fois que j’aurai déjà fait quelques kilomètres.

Sac sur le dos, chaussures aux pieds, et pas léger, je rencontre les autochtones: quelques dindes sauvages mais aussi de nombreux rennes. L’ambiance est un peu magique car l’humidité ne s’est pas encore dissipée si bien qu’un faible brouillard est visible sous les arbres.

Dans ma tête, l’ambiance est à la fête. Je marche vite et je m’émerveille de tout ce que je vois. Toutefois, aux premières intersections de chemins, un doute commence à m’assaillir. Plus les kilomètres défilent, plus le doute se confirme mais je ne veux pas y penser. Je m’offre un détour dans mon itinéraire : un sentier qui descend à fln de coline pour aller rejoindre un cours d’eau. La vue est magnifique.

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Peu de temps après, je débarque dans une plaine au paysage enchanteur. Le cours d’eau en rejoint un autre, créant une petite vallée avec des îles, et une vue dégagée sur le relief environnant. Il y a de nombreux oiseaux et on s’imagine s’y installer sur le long terme. La cabane irait ici, le garde manger là, avec le séchoir à poissons.

Mais il faut que je me rende à la réalité. J’ai un problème de carte. J’essayais de ne pas trop y penser depuis quelques heures mais voilà, il n’est pas encore 11h et je suis rendu là où j’ai déclaré aux gardes du parc que je camperais.

Dans la précipitation, lorsque j’ai compris que je devrais annoncer mes lieux de campements s’ils étaient dans la partie ouest, j’ai mal cerné l’échelles et les distances.

Une séance de relecture de la carte s’impose. J’essaye différentes combinaisons de sentiers qui reviendraient là où je me trouve et m’occuperait toute la journée, mais aucun n’est assez long. En fait, la partie ouest du parc, je peux largement en sortir aujourd’hui. Ça me permettrait d’avoir un itinéraire moins rigide. La seule chose qu’il faut que je m’assure, c’est d’être capable d’aller à mon campement de la troisième nuit demain.

Quelques calculs rapides, et me voilà avec l’idée d’arriver jusqu’au Lac Missippi et d’y dormir, puis le lendemain, de marcher vers l’ouest.

Je peux enfin profiter de cette petite vallée verdoyante l’esprit tranquille avant de me remettre en route.


Il est 9h30 et je suis assis par terre avec devant moi toutes mes affaires étendues. Cette nuit a été une drôle de nuit. Je ne savais pas bien où dormir proche du lac Mississippi mais j’avais repéré sur mon GPS une “aire de pic nic”. Comprendre : une table en bois. Un peu d’aménagement ne faisant pas de mal, c’était donc ma cible pour le soir mais puisqu’il était encore tôt, j’avais décidé de m’y rendre par l’autre côté du lac. Quelques dizaines de mètres avant l’emplacement supposé des tables de pic nic, j’en aperçois deux (depuis l’autre rive) mais aussi un homme, les pieds dans l’eau. Je fais mine de ne pas le voir, il fait mine de ne pas me voir et je continue. Sur ma carte, l’aménagement est plus loin. Cet homme est installé au niveau des toilettes sèches, il y a peut-être donc deux aménagements distincts. En continuant plus loin, la végétation ne me laisse pas voir la rive où serait cette fameuse table. Je n’ai donc d’autres choix que de continuer jusqu’au bout du lac pour revenir sur la bonne rive et voir par moi-même. Ce que j’ai donc fait, mais de tables il n’y en avait pas. En tout cas, pas d’autres que celle où l’homme était déjà installé.

Dans cette portion du parc, on peut camper où on le veut. Ce n’est donc certainement pas pour venir me coller à la première personne que j’aperçois en plusieurs heures. Je sors ma carte et identifie un petit sentier qui monte au sommet de l’une des collines avant de descendre à la source à laquelle il faudra de toute façon que j’emplisse mes bouteilles demain matin. La perspective de camper au sommet, et de pouvoir donc assister au levé du soleil vu d’en haut me motive.

Le sentier a visiblement été refait récemment et longe une clôture barbelée toute rouillée. J’ignore à quoi elle sert mais vu le type de végétation dans ce parc, il ne serait pas étonnant qu’il y ai eu des bêtes de paturage quelques décennies passées.

Arrivée au sommet, juste avant que le sentier en croise un autre, je trouve un terrain plutôt plat et accueillant. Il fait encore jour et comme j’aimerai que la tente reste au frais, je l’installe juste en dessous de l’arbre.

La terre est incroyablement meuble et les sardines ont du mal à rester en place. Les quelques endroits où je parviens à faire tenir mes sardines ne permettent pas de tendre la toile de la tente. Pas grave, il ne pleuvra pas. Il vaut mieux une tente mal tendue mais qui tient qu’une tente qui me tombe dessus pendant la nuit.

Après un peu de lecture, et alors que le jour décline, je m’endors.

Au milieu de rêves brumeux, une pensée me vient : j’ai froid. J’ouvre la moitié d’un oeil, il fait nuit. Je ferme bien la capuche de mon sac de couchage et me rendors.

Mais voilà que cela recommence. J’ai froid. Cette fois, je me réveille complètement et je me rends compte que des gouttes tombent sur la toile de la tente. Il y en tombe régulièrement mais pas assez pour dire qu’il pleut. La toile de la tente s’est distendue avec l’humidité et vient lécher mon sac de couchage. Il faut agir. Je sors ma lampe frontale et allume. Dehors, il ne pleut pas mais on est dans une nuée. Je comprends enfin : le sommet de cette colline se trouve exactement à l’altitude d’un petit nuage qui déverse son humidité dans l’air. Ma tente la condense, mais aussi l’arbre juste au dessus de moi. Et c’est cette eau, condensée par l’arbre qui tombe sur ma tente. Il faut absolument que je tende la toile. Je m’habille donc et sors. Après avoir patiemment essayé plusieurs emplacement dans le sol, je parviens à fixer mes sardines de façon satisfaisante. La toile n’est pas au top, mais la situation est déjà bien meilleure.

Satisfait de moi-même, je m’enfonce dans le brouillard pour aller uriner. Lorsque je reviens dans la tente, je m’aperçois que plusieurs zone de la tente sont mouillées ainsi que mon sac de couchage. La toile a transférer toute son humidité à l’intérieur dés qu’elle touchait une surface. À l’aide de ma serviette, j’éponge ce que je peux et retourne me coucher. Tout va mieux, mais le chaud de mon sac de couchage ne reviendra jamais vraiment cette nuit là.


7h, je me réveille. L’intérieur de la tente a séché mais pas mon sac de couchage, ni encore moins l’extérieur de la tente. Je décide que la tente ne pourra pas être rangé à l’intérieur de mon sac à dos. Tout en m’habillant, je range donc tout dans le sac puis sort de la tente. Il fait froid. À travers le brouillard, le Soleil ressemble à la Lune.

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J’ai les mains humides et froide, je sers les poings mais ça ne les réchauffe pas vraiment. Il faut plier la tente, toute humide et l’harnacher à l’extérieur de mon sac. Une fois que c’est terminé, je peux enfin partir. Le simple fait de marcher me réchauffe. Le chemin descend jusqu’à un ruisseau. En descendant, on quitte le nuage l’humidité et donc le froid.

Non loin, il y a la source. Je fais le plein d’eau et me remet en route. Le chemin se remet à monter mais l’heure avance et les nuages se dissipent. Je me retrouve dans une végétation qui rend difficile la lecture du chemin. La vue est magnifique et le Soleil commence à innonder les innombrables vallées que l’on voit d’ici.

Tient, devant moi, à quelques dizaines de mètres, il y a un autre randonneur. C’est probablement le type de la veille. Je force l’allure et le dépasse en échangeant un poli “Good morning”. Le gars a du mal à trouver son chemin et rapidement, je le perds de vue derrière moi.

Le sentier fusionne avec une piste plus large, laquelle suit plus ou moins la ligne de crête. On voit au loin, juché au sommet d’une des collines ce qui semble être un bâtiment. Le GPS me montre que la colline en question est exactement dans le carré de propriété privé que j’avais repéré. Un type fortuné a donc du s’erriger ici un chalet. au beau milieu d’un parc national, c’est certain, il n’y a personne pour l’emmerder.

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J’avance jusqu’à ce que la piste redescende dans une vallée parcouru par un ruisseau que je devrais passer plusieurs fois. L’heure, et le Soleil, avance. Il faut que je retire mon chandail. c’est donc l’heure de la pose, et surtout, l’heure de faire sécher toutes les affaires. Je vide mon sac : tente, sac de couchage, matelas, tout doit sécher !

Le silence n’est rompu que par le bruit du cours d’eau qui parcours cette espèce de petite vallée dans laquelle je suis. Il fait chaud et mes affaires sèchent rapidement mais la pause est plus que bienvenue alors je décide de prendre mon repas maintenant. En faisant mon sac au départ de Montréal, j’avais encore des doutes sur le fait de ne pas prendre de réchaud - et donc de manger froid toute la durée de la rando - mais au final, vu le temps et la chaleur qu’il fait, je me félicite au contraire de ce choix.

Qui dit repas dit aussi carte. Ok, ce n’est peut-être pas l’association d’idées la plus universelle qui soit mais j’apprécie ce temps de pause pendant le repas et l’utilise pour consulter la carte et faire le point de mi-journée. Une fois n’est pas coutume, j’ai fait beaucoup de kilomètres durant la matinée. Je décide donc de rallonger un peu mon chemin de la journée mais pas trop car il faudra, cette nuit, que je rallie l’emplacement de camping que j’ai indiqué aux gardes.

Mes affaires sont sèches, mon estomac plein et mon itinéraire est clair, il est temps de plier bagages.

Le sentier suit un cours d’eau pas plus grand que le plus petit des ruisseaux que vous puissiez imaginer. Du moins en profondeur, parce qu’en largeur, ça s’étend bien sur quelques mètres. J’ai des souliers étanches alors quand le sentier traverse le cours d’eau - ce qui arrive de nombreuses fois - ce n’est pas un problème pour moi. Voilà qui justifie mon choix de souliers pour cette randonnée.

J’arrive bientôt à une intersection. C’est là que j’ai prévu de rallonger mon trajet du jour. Je prends donc à droite, vers le nord, et gravit la colline. La côte est pas mal intense et au fur et à mesure que je grimpe, la végétation change jusqu’à ce que j’arrive en crête dans un paysage sorti d’un livre de fantastique bon marché : à perte de vue, des arbres brûlés percent des bosquets d’arbustes.

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Il fait très chaud et l’absence d’arbres mâtures n’arrange rien. Cette chaleur, et cette sécheresse font des heureux puisqu’en redescendant de l’autre côté, c’est nez à nez avec un serpent que je me retrouve. Il est en travers du sentier. N’étant pas originaire de ce bord de l’Amérique du Nord, je ne sais pas tellement de quelle espèce il peut s’agir ; j’ai donc du mal à savoir s’il est dangereux ou non. Je pourrais l’éviter mais à gauche, comme à droite du sentier, ce sont des herbes hautes où pourraient - même si c’est peu probable - se planquer d’autres reptiles de son genre … J’attends donc que l’animal veuille bien dégager le chemin. Ça lui prendra cinq bonnes minutes avant de se décider à avancer.

Une fois ce sentier descendu, je suis de nouveau dans la partie ouest du parc, celle où l’on doit respecter les aires de campement. Le mien, m’a-t-on dit est si discret qu’il est difficile à trouver. En effet, j’y arrive d’après ma carte, mais difficile de voir où je suis supposé me mettre. Serait-ce de l’autre bord de la rivière ? On dirait que oui mais je ne vois aucun panneau. Je m’installe là où, d’après moi, je suis supposé être mais rien ne le confirme. Tant pis, ce n’est pas exactement comme si je gênais qui que ce soit : je suis loin des sentiers, peu visibles, et bien évidemment je ne laisse jamais de trace.

Ma tente est dressée, mes affaires sorties mais il fait encore jour pour quelques heures, je décide donc de laisser mon sac là et de monter la colline en contrebas de laquelle je suis installée pour profiter des derniers rayons de soleil. Demain sera ma journée de retour dans la civilisation et je ne sais toujours pas comment me rendre jusqu’à la gare. Je n’ai donc pas hâte …

Sans sac à dos, je dévore sans peine le sentier qui mène au sommet. La vue est à la hauteur de mes espérance, je m’assois et … c’est tout. Rien à faire, à part profiter du spectacle avant une bonne nuit de sommeil.

Lendemain, réveil à l’aube. Je n’ai pas de plan pour rejoindre la gare : je sais qu’un Uber ne ferait pas 20 minutes de trajet pour venir me chercher, il n’y a pas de taxis dans la région, et il y a donc de fortes possibilités pour que je doive marcher plusieurs heures une fois avoir quitté le parc. Pas question de niaiser donc. Un déjeuner rapidement engouffré, mes affaires rangées, et mon sac sur le dos, je me met en route !

Comme les autres matins, il fait très brumeux. La route est plus longue que ce que je pensais, ou est-ce moi qui traine la patte ? Après quelques kilomètres toutefois, me voici sur l’un des principaux sentiers, au milieu d’une plaine qui mène à l’entrée du parc. L’occasion une dernière fois d’observer ce phénomène de «pluie arboricole» qui avait trempé ma tente l’autre nuit.

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Puis enfin le pavillon d’accueil des gardes et la route. Je scrute le stationnement, il n’y a personne. Impossible d’imaginer trouver quelqu’un qui redescendrait en ville. Il me faudra donc marcher et espérer me faire prendre en pouce.

L’espoir que j’avais d’être pris en stop aura vite été satisfait car après un peu moins d’une heure de marche, un pick-up s’arrête : ce sont des employés du parc. En un instant, me voilà à la gare, à la fin de ma randonnée et vous à la fin de cet article.


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